Maintenant que le prélèvement à la source aura bien lieu, les Français n’ont qu’une hâte: celle d’avoir entre leurs mains leur bulletin de paie de janvier 2019 pour mesurer l’impact que cette réforme a sur leur pouvoir d’achat. Dans un second temps, peut-être auront-ils le réflexe, s’ils cherchent à acheter un logement, à songer aux conséquences sur leur demande de crédit immobilier. Car elles sont bien réelles.
A ce jour, pour évaluer le taux d’endettement et donc la capacité d’emprunt du futur emprunteur, les banques ne tiennent pas compte des impôts. Elles prennent les revenus nets perçus par le (ou les) emprunteur(s) et regardent ce que pèse la future charge mensuelle de remboursement dans ses revenus. Ce taux d’endettement ne doit pas dépasser théoriquement 33%. Les impôts sur le revenu, quant à eux, ne sont considérés que dans le calcul du «reste à vivre», somme qui reste à l’emprunteur une fois déduites de ses revenus nets toutes les charges (autres prêts en cours, impôts, charges de copropriété, assurances, électricité, gaz, pensions alimentaires versées, frais de transport...). Avec le prélèvement à la source, les impôts seront directement déduits du salaire. Dès lors, la capacité d’emprunt s’en trouvera réduite, entraînant une perte de pouvoir d’achat immobilier. Et pourtant, l’emprunteur n’est pas moins riche qu’avant.
Crainte d’un attentisme des acheteurs
Se pose donc la question: les banques accepteront-elles d’augmenter le sacro-saint taux d’endettement des emprunteurs de 33% à 38% voire 40%? Pour l’heure, une seule avait pris les devants de la réforme du prélèvement à la source: il s’agit de HSBC. Les impôts que paient leurs clients représentent une telle charge qu’il est logique que l’établissement prenne en considération le salaire net d’impôts. «Parmi toutes les autres banques que j’ai interrogées, aucune n’a l’intention de modifier ses calculs d’endettement et de capacité d’emprunt», affirme Sandrine Allonier, de Vousfinancer. Un discours bienveillant qui pourrait évoluer selon le profil des emprunteurs, générant ainsi une «étude de dossiers» à deux vitesses. Les banques pourraient se montrer plus souples pour les clients qui ont une capacité d’épargne importante et une bonne gestion de leurs comptes et plus strictes avec les profils les plus tendus, même si l’on peut considérer que ces derniers paient moins d’impôts. «Les banques seront attentives au montant des impôts que paient les emprunteurs. Ce sera du cas par cas», ajoute Sandrine Allonier.
Si, pour l’instant, le prélèvement à la source ne semble pas modifier les plans des banques, qu’en sera-t-il des emprunteurs? N’hésiteront-ils pas avant de se lancer dans un projet immobilier devenu soudain incertain, malgré les taux d’emprunt qui restent bas (1,43% en août toutes durées confondues)? «Les banques redoutent que le prélèvement à la source déstabilise les Français et entraîne un attentisme des acheteurs et par conséquent un flottement du marché début 2019», déclare Sandrine Allonier. Une crainte à laquelle le premier ministre Édouard Philippe a répondu ce mardi. «Je ne crois pas à un effet psychologique», a-t-il déclaré sur TF1. Le chef du gouvernement a mis en avant, pour cela, l’avantage pour les Français d’être prélevés à la fin du mois sur 12 mois et de ne pas payer avec un an de décalage.
Quel impact sur votre pouvoir d’achat immobilier? Pour y voir un peu plus clair, voici quelques cas pratiques:
• Exemple d’un célibataire avec 5000 euros de revenus nets par mois et un taux de prélèvement de 15%
• Exemple d’un célibataire avec 3000 euros de revenus nets par mois et un taux de prélèvement de 12%
• Exemple d’un couple avec un enfant, avec 3200 euros de revenus nets par mois (à deux) et un taux de prélèvement non individualisé de 3%
• Exemple d’un couple avec deux enfants, avec 5000 euros de revenus nets par mois (à deux) et un taux de prélèvement non individualisé de 7%